Reprise d’un message du forum de VR, un bon souvenir de voyage en ces temps d’isolement forcé ne fera sans doute pas de mal
Mauritshuis Muséum – La Haye – Pays-Bas
Je n’ai jamais été un grand fan des musées et des vieilles pierres, mais plutôt des paysages et des randonnées. Pourtant, au Cabinet Royal de Peintures Mauritshuis de La Haye, (le vrai nom du musée de Mauritshuis), j’ai compris pour la première fois, qu’on pouvait apprécier rester 3 heures dans un musée et voir les plus belles choses qui soient. Avant cela, je ne savais pas non plus qu’un jour, je resterai scotché littéralement devant une peinture, fut-elle à l’huile ! Ben oui, la peinture à l’huile est plus difficile ! Cela m’est arrivé ce jour-là, lorsque je pénétrais dans la salle du premier étage où sont exposées les toiles de Vermeer. Il y en a 2 qui se font face. Sur la gauche, une toile intitulée Vue de Delft, peinte vers 1660 permet d’étudier tous les aspects de la virtuosité technique du peintre. Grâce à sa maîtrise du pinceau et de la peinture, Vermeer obtient les effets qu’il veut et notamment pour le rendu exact de l’éclairage. La touche est tantôt des plus précises, tantôt libre et expressive. Ici la peinture se présente épaisse et pâteuse, là, elle s’étale liquide et presque transparente. Parfois, à la peinture se mêle des grains de pigment grossièrement broyés, créant un effet de structure. Les reflets lumineux de l’eau sur les coques des bateaux amarrés sont suggérés par une peinture en petits pointillés, ce « pointillisme » est l’un des éléments les plus caractéristiques de la peinture Vermeer. Il peint cette vue de la ville de Delft où il habite vers 1660 depuis la rive opposée de la Schie. L’enceinte est percée de la porte de Schiedam, surmontée d’un carillon et de celle de Rotterdam aux deux tours jumelles. Les nuages noirs assombrissent les constructions bordant le quai, ce qui oblige le regard vers le pont entre les 2 portes, vers le centre de la ville baigné de soleil et vers son clocher monumental. Il y a dans cette œuvre une exceptionnelle profondeur. Et que dire de cette grève d’un jaune puissant ? Vermeer ne peignit que 2 vues urbaines, celle-ci et « La ruelle », exposée au Rijksmuseum d’Amsterdam.

En face de cette œuvre, une petite toile d’à peine quarante centimètres sur quarante attire tous les regards et il faut se battre parfois pour la voir. Un peu comme la Joconde, sauf que la « Jeune fille à la perle » est en face de moi et que je m’enivre de son regard pendant un bon quart d’heure, scotché la bouche bée, bluffé comme un adolescent en face du premier amour de sa vie, alors que la Joconde me laisse froid. Il faut dire que Vermeer, peignit plusieurs « tronies » dont celle-ci vers 1665, est incontestablement la plus appréciée. Une «tronie » (trogne, en bon français d'cheu nous) n’est pas un portrait mais une tête de caractère illustrant un type. Une tenue pleine de fantaisie constitue le plus souvent un élément important de la représentation. C’est ici le turban et la perle plus grande que nature que la jeune fille porte à l’oreille. L’inventaire dressé à la mort de l’artiste le 15 décembre 1675 mentionne 2 tronies à la turque, L’une d’elles est peut-être cette toile qui serait restée invendue. Se détachant sur un fond quasiment noir, cette jeune fille vêtue de manière exotique, nous regarde, bouche entrouverte, par-dessus son épaule. Elle est peinte de façon libre et expressive. Des petits points de couleur posent des accents lumineux, par exemple aux commissures des lèvres ou dans les yeux. Quelques rares touches ont suffi à construire la fameuse perle, avec un clair accent lumineux en haut à gauche et le reflet adouci du col blanc dans le bas.
Pour l’anecdote, vers 1881, un collectionneur acheta la toile pour 2,30 florins. Il finit par la léguer en 1902 au Mauritshuis avec onze autres tableaux.

Au Mauritshuis muséum, j’ai appris (un peu sur le tard, mais bon !) que je n’étais pas complètement insensible à la peinture, ni étanche à l’art et que, même, je prenais plaisir à flâner entre les toiles et revenir quelques minutes plus tard sur un détail qui m’avait échappé à première vue. J’ai pu admirer le cabinet d’amateur de Willem van Haecht, les visages du savoureux Frans Hals, une excellente série de 5 tableaux illustrant une soirée entre hommes de Cornelis Troost, un autoportrait de Rembrandt, des Brueghel, Rubens et plein d’autres « hollandais » ainsi que cette truculente scène de patinage de Avercamp.
Vous passez un jour à La Haye ? Allez au Cabinet Royal de Peintures Mauritshuis, c’est aussi beau que le Rijksmuseum d’Amsterdam ... que vous ferez avec autant de plaisir le lendemain.
Confinez la culture