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par Jean La Fiarde » 14 avr. 2020 09:37
Confinement : comme disait Brassens, le temps ne fait rien à l’affaire
Hier, le temps a changé. Le ciel s’est un peu obscurci, de petits nuages gris se sont regroupés à l’ouest. Il fait un plus frais. Je pensais qu’il allait pleuvoir et que ce ne serait pas dommage, les ruisseaux sont à sec, les prés en ont besoin, les arbres en redemandent. Et mon mini potager, je dis rien. Aujourd’hui le ciel est gris. Il n’a pas plu, il pleuvra sans doute pas.
Pourtant rien de nouveau, le confinement salvateur se poursuit. Moi, je voudrais poursuivre le temps qui passe inexorablement à ne pas faire grand-chose. A perdre mon temps alors que j’arrive à un âge où on aimerait au contraire faire un maximum de choses et que le temps commence à compter. Hop hop hop, on y va, là. J’ai assez confiné. Les bois alentours, les montagnes qui surplombent le paysage, le Léman devant moi et des milliers d’autres endroits me tendent les bras. J’en ai marre de voir tout cela à ma porte et de ne pas pouvoir en profiter. Bien sûr, je passe sans me lasser des couches de vernis sur mon vieux canoë, je peins, je répare, je ponce, je visse, je dévisse, je colle et encore plein de choses. Bien sûr, je parle au téléphone avec mes chicoufs, mes filles, mon gendre, mes amis, mes frères et aussi un peu mes sœurs mais moins, c’est quand même des filles. Bien sûr, toujours par téléphone, je fais la dictée à mon petit-fils et les devoirs de mathématiques appliquées, très appliquées à ma petite-fille et j’envoie des bisous en visio à la troisième. Mais leurs contacts me manquent, leurs sourires, leurs pleurs, leurs cris, voire leurs contradictions et discussions stériles parfois sont absents.
Pourtant, je suis un privilégié. J’ai un petit jardin, j’ai à manger, à boire, je ne manque pas de PQ, le super U ouvre chaque jour et la boulangère me sourit quotidiennement. Je peux relire les albums de Tintin que je connais pourtant par cœur et si besoin, j’ai encore plein de bouquins dans ma bibliothèque que je peux relire ou même peut-être lire, il me semble en avoir dans la catégorie non lu. Ma bougnate préférée saura toujours me donner un bricolage à faire et en cas de nécessité absolue m’indiquera où trouver l’aspirateur. (Ah, tu le mets là ? Je n’aurais jamais pensé à le chercher dans le placard à balais). Au pire du pire, je peux regarder la télé ou mieux m’endormir devant. Je répète, je suis un privilégié.
Je ne suis pas à plaindre. Dans le monde, des millions de personnes en souffrent ou vont subir prochainement les dommages du Covid estampillé 19 parce qu’aucune unité de soin n’est capable de les prendre en charge, parce qu’ils n’ont ni eau potable ni à manger en suffisance, parce qu’on a égoïstement pensé à notre petit confort avant d’avoir la moindre idée de leur situation. Bref, ils n’auront pas les mêmes préoccupations que nous.
Chaque fois que le temps passe du beau fixe au gris souris, chaque fois que j’ai des vagues à l’âme parce que j’aimerais chevaucher celles du Léman, chaque fois que je voudrais partir au lieu de confiner, il faudra que je me dise qu’il doit y avoir plus malheureux que moi.
Cela ne rendra pas le temps perdu, le virus moins virulent ou les murs de la maison plus espacés, mais au moins je positiverai.
Confinez dans le temps
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